L’article 8 ter de la proposition de loi sénatoriale contre le narcotrafic, qui permettrait de contraindre les applications de messageries chiffrées à collaborer avec le renseignement intérieur, avait été supprimé lors du premier round de ce texte, en commission des Lois de l’Assemblée nationale.Il sera de nouveau discuté en séance.

L’article 8 ter de la proposition de loi sénatoriale contre le narcotrafic, qui permettrait de contraindre les applications de messageries chiffrées à collaborer avec le renseignement intérieur, avait été supprimé lors du premier round de ce texte, en commission des Lois de l’Assemblée nationale.
Il sera de nouveau discuté en séance. Trois amendements ont en effet été déposés pour son rétablissement : l’un par un député obsédé par la régulation, prêt par ailleurs à mettre des plaques d’immatriculation sur chaque internaute, un autre par un député soucieux de satisfaire un ministre issu du même parti que lui et un autre encore, par un député ancien conseiller du ministère de l’Intérieur, sans compétences avérées sur les enjeux numériques de sécurité, mais convaincu de l’innocuité de cette mesure et de son efficacité pour le renseignement intérieur.
Un tel dispositif constitue cependant l’exemple même de la fausse bonne idée. Il tétanise d’ailleurs l’ensemble des spécialistes de l’écosystème cyber, pas seulement les opérateurs de messageries cryptées, inquiétés au premier chef par une telle initiative.
Pourquoi ce tollé chez les experts ? Tout d’abord parce que cet article porte atteinte à la confidentialité, fondement même de ces espaces de communication. Certains le défendent en prétextant qu’à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles et encadrées, et que la fin justifie les moyens. Sauf que l’argument ne tient pas la route car une telle possibilité fragiliserait tout l’édifice et laisserait la possibilité à des gouvernements peu scrupuleux ou à des groupes de cyberattaquants, d’attenter lourdement aux libertés individuelles ou de collecter du renseignement et des données personnelles.
Sous couvert d’une plus grande rapidité d’investigation, serait aussi ouverte la porte à toutes les ingérences étrangères qui ne demanderont pas mieux que de s’y engouffrer, si on leur facilite le travail.
Enfin, il suffira aux terroristes et autres narcotrafiquants, très acculturés aux outils numériques, eux, de passer par un VPN, afin de continuer à communiquer entre eux en toute impunité.
Au bout du compte : recul inquiétant de l’État de droit, perméabilité dangereuse aux ingérences de toutes origines et inefficacité pour la lutte contre le narcotrafic. Difficile de faire pire.

Philippe LATOMBE