Alors que les relations transatlantiques actuelles devraient inciter nos administrations à la plus grande prudence concernant les solutions informatiques qu’elles choisissent, et les pousser à s’émanciper des géants américains, certaines d’entre elles persistent et signent sans vergogne. Deux cas flagrants ces derniers jours !
Communiqué de presse
Paris, le 19 mars 2025
Le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche vient, selon un avis publié le 14 mars dernier, d'attribuer de nouveau le marché public qui vise à équiper ses services centraux et les établissements supérieurs à des solutions Microsoft, et ce, des postes clients aux datacenters.
Cet accord cadre, qui prévoit seulement un montant maximum de dépenses fixé à 152 millions d'euros hors taxe, pour une durée maximale de quatre ans, est censé répondre aux besoins des agents des services centraux ou déconcentrés du ministère de l’Éducation nationale, à ceux des établissements de formation et de recherche, mais aussi à ceux des agents des ministères de l'Enseignement supérieur et de la recherche, et des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative. Le choix de la solution Microsoft 365 s’est, en l’occurrence, fait en contradiction totale avec les consignes de la Direction du numérique pour l’éducation.
Autre exemple inquiétant lui aussi : la direction de Polytechnique qui vient d’acter la migration de ses services informatiques, déjà commencée par les messageries des étudiants, vers les serveurs de... Microsoft, là aussi.
Prise par la seule direction, sans véritable concertation, cette décision de l’X suscite à juste titre de vives inquiétudes en interne, en matière de protection des échanges et des travaux de recherche, en matière de risques de pillage technologique ou de divulgation de données sensibles, comme les partenariats public-privé ou les échanges confidentiels concernant certains doctorants, chinois par exemple, refusés par l’établissement pour éviter toute tentative d’espionnage. Il semblerait même que la migration prévue concerne les zones à régime restrictif, c’est-à-dire les laboratoires les plus sensibles.
Les décideurs, dans les deux cas, ont fait fi des directives successives qui, depuis plusieurs années déjà, les alertent, voire leur interdisent, de continuer à utiliser ou choisir des solutions étrangères, non souveraines et, dans le cas qui nous intéresse, assujetties à l’extraterritorialité du droit américain. En d’autres termes, cela veut dire que le gouvernement américain peut demander à Microsoft d’accéder aux données stockées sur ses serveurs, où que ce soit dans le monde, que la firme ne pourra pas refuser de les donner et ne sera même pas contrainte de nous prévenir de ce pillage potentiellement massif.
Philippe LATOMBE